Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/256

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bord de la terrasse qui regarde l’escalier était garni d’une balustrade de plaques de marbre ornée de bas-reliefs et supportant une grille. Quelques-unes de ces plaques ont été placées dans l’intérieur de la cella, où l’on peut les admirer de près ; l’une d’elles représente une femme cherchant à retenir un taureau que devance ou que fuit une de ses compagnes, et l’autre une figure ailée connue sous le nom de Victoire à la sandale. L’art grec n’a rien produit de plus parfait que ce jeune corps caressé par les plis d’une draperie transparente comme par des lèvres amoureuses ; ce n’est plus du marbre, c’est de l’air tramé, du vent tissé qui se joue en flocons autour de ces formes charmantes, avec une volupté chaste et pourtant émue ; le mouvement du bras dénouant la bandelette de la chaussure est d’une souplesse et d’un naturel adorables ; l’autre main retient mollement la draperie qui s’échappe, et les ailes palpitantes soutiennent à demi le corps incliné, comme celles d’un oiseau venant de prendre terre. De quel ciel d’azur ou d’or est-elle descendue, cette idéale création figée dans ce pur marbre dont le temps a respecté la blancheur ? Cette Victoire anonyme, ne serait-ce pas la muse de Phidias venant se poser encore une fois sur l’Acropole avant de s’envoler à tout jamais ?