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non portait sur sa paume d’ivoire une Victoire d’or, qu’elle retenait ou lâchait à son gré, comme le fauconnier rappelle ou laisse aller le faucon ; — sans doute, aux époques où déjà le sens des mythes païens se perdait, on s’étonna de voir cette statue sans ailes, et on inventa cette explication ingénieuse de la Victoire Aptère ne pouvant plus s’envoler du rocher de l’Acropole et fixée désormais dans son temple. Il y avait, dit-on, à Sparte un Mars enchaîné exprimant la même idée, par un symbolisme analogue.

Le toit est effondré. Pourtant le portique conserve son plafond, où l’on peut discerner encore, au fond des caissons, la trace des rosaces de métal. Tout autour du temple règne une frise de bas-reliefs dont les figures ont perdu qui leur tête, qui leurs bras, qui leur jambe, non pas par l’injure du temps, beaucoup moins destructeur qu’on ne le suppose, mais par la stupidité barbare des hommes.

Quel singulier instinct de perversité imbécile a poussé tous les peuples qui se sont succédé sur le sol sacré d’Athènes et ont mêlé leurs os aux éclats des marbres brisés, à mutiler les monuments, à balafrer le corps des héros et des déesses, à déshonorer les chefs-d’œuvre si purs de l’art antique ? — Quand on