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les fossés. Les murailles, bizarrement crénelées, escaladent la roideur de la pente par des espèces d’assises ou d’escaliers. Deux palmiers et quatre moulins à vent occupent les yeux par leur contraste : le palmier, emblème du désert et de la vie patriarcale ; le moulin à vent, emblème de l’Europe et de la civilisation.

Alger est bâtie en amphithéâtre sur un versant escarpé, en sorte que ses maisons semblent avoir le pied sur la tête les unes des autres. Rien n’est étrange pour un œil français comme cette superposition de terrasses couleur de craie ; on dirait une carrière de moellons à ciel ouvert, un immense tas de pains de blanc d’Espagne. Quand la distance est moins grande, on finit par discerner dans l’éblouissement général le minaret d’une mosquée, le dôme d’un marabout, la masse d’un grand édifice, comme la Kasbah ou la Djenina ; des fenêtres imperceptibles ponctuent les pages vides des murailles. Quelques maisons françaises à toits de tuiles et à contrevents verts réalisent sous le ciel africain le vœu de Jean-Jacques Rousseau, et se font remarquer par l’affreux jaune-serin de leur peinture. Des nuées d’hirondelles voltigent sur la ville en poussant mille petits cris joyeux. — L’Escurial est le seul endroit où nous ayons vu autant d’hirondelles. Leur tourbillon