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Ovide raconte dans ses Métamorphoses de nombreuses histoires de nymphes changées en arbre et palpitant encore sous la tiède écorce. Ces colonnes, d’une grâce si vivante, vous font naître l’idée de jeunes filles enfermées dans le svelte bloc avec leurs corps blancs et leurs blanches draperies ; le chapiteau même continue l’illusion : ses volutes arrondies rappellent les nattes de cheveux repliées près des tempes, et ses ornements les joyaux ciselés de la coiffure.

En regardant ces charmantes colonnes, on se demande si la ruine n’ajoute pas plus aux édifices qu’elle ne leur enlève. Ces profils estompés par le pouce des siècles n’avaient peut-être pas primitivement cette morbidesse exquise, cette suavité incomparable ; les lignes plus nettes dans leur éclat neuf devaient se découper avec une rigidité architecturale moins favorable à l’effet. Cette sorte d’adoucissement des reliefs sied, d’ailleurs, bien à l’ordre ionique, qui, si l’on peut donner un sexe à des colonnes, semble, à côté du mâle dorique, une belle femme parée auprès d’un jeune homme austère et robuste ; la petitesse du temple autorisait un style plus délicat, plus mignon, et l’élégance un peu mince des fûts s’explique par la légèreté du fardeau qu’ils ont à porter,