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du voyage, se hasardent sur les dernières marches de l’escalier. On voit sortir de tous les coins du bateau des gens qu’on n’y soupçonnait pas.

Les bandes de terre, estompées par un brouillard lumineux, prenaient des formes de plus en plus nettes ; les parties éclairées laissaient déjà démêler quelques détails ; le reste nageait dans cette ombre azurée particulière aux pays chauds. Des barques à voiles posées en ciseaux allaient et venaient comme des colombes qui quittent ou regagnent le colombier. La pointe Pescade et le cap Matifou, l’une à droite et l’autre à gauche (en venant de France), figurent les deux cornes de la baie en forme d’arc au fond de laquelle se trouve Alger. Les premières croupes du petit Atlas, surmontées par un étage de cimes lointaines, viennent mourir en falaise dans la mer. À leur pied s’étend la Mitidja.

Une tache blanchâtre coupée en trapèze commence à se dessiner sur le fond sombre des coteaux, pailletés çà et là d’étincelles d’argent dont chacune est une maison de campagne : c’est Alger, Al-Djezaïr, comme les Arabes l’appellent. — On approche ; autour du trapèze, deux ravins aux tons d’ocre entaillent le flanc de la colline, et ruissellent d’une lumière si vive, qu’on dirait qu’ils servent de lit à deux torrents de soleil : ce sont