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ruisseler les entrailles en cascades vermeilles ! comme il sait meurtrir les chairs, injecter les yeux, faire palpiter les muscles, tressaillir les fibres, panteler les poitrines ouvertes !

Le Prométhée en proie au vautour est d’une beauté monstrueuse et formidable qui fait horreur et stupéfie. Ce corps gigantesque, se tordant au milieu des ténèbres rousses du bitume et du vernis jaune, semble avoir été peint par un Titan, élève du Caravage ; c’est de la rage, de la frénésie, du délire, un cauchemar de Polyphème ayant mal digéré les compagnons d’Ulysse dévorés à son souper.

Ce vautour, qui a creusé une caverne rouge dans le flanc de la victime de Jupiter, tire avec son bec un bout de boyau qu’il entraîne après lui ; détail d’une vérité horrible et sinistrement repoussante. En effet, les oiseaux de proie, lorsqu’ils ont entamé quelque charogne, s’en éloignent en tirant du bec l’écheveau d’entrailles qu’ils dévident ainsi.

Les Christ mort, les martyrs, les supplices, les Madeleine et les saint Jérôme au désert, s’arrachant les cheveux et frappant d’une pierre leur poitrine de squelette ; les vieillards croulant de caducité, les mendiants honteusement sordides, tels sont les sujets qu’affec-