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fallait, pour nous reposer de la brutalité du cirque, la sérénité du musée et la contemplation des chefs-d’œuvre de l’art.

Aussi, nous dirigeant du côté du Prado, entrâmes-nous avec un respect religieux dans le beau bâtiment dû à l’architecte Villanueva, dans lequel, chose extraordinaire pour un musée, on voit clair partout. Là, point de catacombes comme à la galerie du Louvre, où de rares fenêtres laissent filtrer un jour avare qui condamne les admirateurs opiniâtres de certains chefs-d’œuvre à des contorsions de possédés.

Un peintre, qu’on ne peut apprécier qu’en Espagne, c’est Velasquez, le plus grand coloriste du monde après Vecelli. Nous le mettons, pour notre part, bien au-dessus de Murillo, malgré toute la tendresse et la suavité de ce Corrège sévillan. Don Diégo Velasquez de Sylva est vraiment le peintre de l’Espagne féodale et chevaleresque. Son art est frère de celui de Calderon, et ne relève en rien de l’antiquité. Sa peinture est romantique dans toute l’acception du mot.

Un de ses plus beaux tableaux est celui qui est connu sous le nom de las Meninas. On y voit, à la gauche du spectateur, le peintre, la palette à la main, qui fait le portrait de Philippe IV et de la reine, qu’on aperçoit re-