Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/212

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

raient, il y aurait un tremblement de terre, que l’on continuerait avec un imperturbable sang-froid.

Des centaines de parapluies se déployèrent sur les tendidos, mais personne ne bougea : l’idée de s’en aller ne vint à qui que ce soit. La famille royale elle-même ne quitta pas son balcon, où, malgré l’abri du baldaquin, les rafales de l’averse l’atteignirent plus d’une fois.

Quelques plaisants tendirent des parapluies aux picadores, qui attaquèrent le taureau la lance d’une main et le riflard de l’autre. — Rien n’était plus comique.

Luca Blanco, qui devait tuer, avait retiré ses escarpins de peur de glisser sur la terre grasse, et courait en bas de soie et pieds nus dans la boue.

Les taureaux morts, entraînés par les mules et cuirassés de crotte, avaient l’air de masses informes ; les chevaux s’efflanquaient sous la pluie, les costumes déteignaient, tout prenait un aspect risible et piteux.

La bonne humeur du peuple ne s’était pas altérée un instant, et se traduisait en plaisanteries de toute sorte. Une personne, que les parapluies des gens placés devant elle empêchaient de voir, demandait à un voisin mieux situé :

— Que se passe-t-il ?

— On amène les chiens ; il y en a un qui vient de