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le sable une traînée parabolique, partant d’une mare de sang et aboutissant à la porte du matadero, que nous ne saurions mieux comparer qu’à ces courbes décrites en l’air par le vol des bombes dans les gravures des villes assiégées. À la fin du combat, ces raies, de plus en plus nombreuses, formaient comme une espèce de bouquet de feu d’artifice sanglant, bien digne de terminer la corrida de toros de corte !

Aussitôt que les portes du matadero se furent fermées sur le dernier cadavre, les spectateurs envahirent l’arène, et ce grand espace, vide et blanc tout à l’heure, devint noir en une minute sous le fourmillement compacte de la foule.

Les sept cents torches de cire fichées sur les candélabres de bois attachés aux balcons s’allumèrent comme par enchantement, et formèrent un coup d’œil vraiment magique.

En Espagne, les illuminations se font toujours avec des torches de cire et des verres de couleur ; l’ignoble lampion y est heureusement inconnu. Il faut la stupide routine de notre prétendue civilisation pour faire brûler dans les jardins royaux, sous prétexte de réjouissance, ces dégoûtantes terrines de cambouis infect qui ne dégagent qu’une clarté louche et rougeâtre au milieu