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Tout occupé que nous étions de l’appréciation de nos gladiateurs mugissants, nous avons un peu négligé nos braves alguazils, plantés devant le balcon de la reine, et exposés à tous les périls des toreros sans avoir leurs moyens de défense. Cette fête, si courte pour tous, dut leur paraître bien longue. — Cette file d’hommes noirs, à cheval, immobiles dans la place, préoccupait visiblement les taureaux, et l’endroit qu’elle occupait était devenu comme une espèce de querencia où ils revenaient toujours : les chulos, encouragés par les rires du peuple, ne se faisaient d’ailleurs pas faute d’amener les bêtes féroces de ce côté, sauf à les distraire au moment opportun. Le neuvième taureau, de Gaviria, courageux et léger, fondit sur la noire troupe, s’acharna à la poursuite d’un pauvre diable d’alguazil, médiocre écuyer, et donna à son cheval le coup de corne le plus ridicule du monde, de sorte qu’au lieu d’être plaint, le pauvre homme fut hué et sifflé. Ce même taureau se précipita sur les hallebardiers, qui baissèrent aussitôt leurs armes, avec tant de furie, qu’il rompit une hampe et emporta un fer de hallebarde dans le poitrail. Le chulo qu’il pourchassait s’était vivement faufilé entre les jambes des soldats, n’ayant pas eu le temps de regagner les tablas. Jose Redondo, ou le Chiclanero,