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admirative de la masse du vacarme général, extrayaient de leurs poumons toute la force de bruit possible ; mais on n’entendait sortir aucun son de leurs bouches ouvertes, la tempête universelle éteignait tous les petits bacchanals particuliers.

Quelle sensation puissante devait étreindre en ce moment l’âme du héros, objet de tant d’enthousiasme ! Ah ! de tels applaudissements ne seraient pas payés trop cher au prix de vingt existences, et, pour les obtenir, on présenterait sa poitrine nue aux cornes de tous les taureaux de l’Andalousie et de la Navarre : Romero était en ce moment le roi de Madrid, tous les cœurs lui appartenaient, et aucune Espagnole n’aurait pu, ce soir-là, refuser à un si vaillant cavalier le don d’amoureuse merci !

Le calme finit par se rétablir ; l’orchestre sonna une fanfare et la porte fut ouverte à un nouveau taureau. L’adroit et valeureux champion du duc d’Abrantès restait seul des quatre gentilshommes. Les autres, à l’exception du señor Varela, n’avaient fait pour ainsi dire que paraître, et avaient tout de suite été mis hors de combat par des chutes violentes : l’un d’eux était sorti de l’arène chancelant, estropié, s’appuyant sur les muchachos de service ; l’autre, emporté sans connais-