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ville un air de fête et d’activité. — Nous vîmes là des boutiques en plein vent d’eau de neige et d’orgeat, comme à Madrid ou à Valence-du-Cid. — Tarascon la guerrière fait face à Beaucaire la marchande, et semble la regarder d’un air un peu dédaigneux du haut de son pâté de tours.

Le soir même, nous débarquions sur le port d’Arles la romaine. — Ses femmes au profil grec, coiffées d’un bonnet qui rappelle le bonnet phrygien, ses arènes où les tours de Charles-Martel posent sur les gradins de Jules César, son théâtre aux deux colonnes restées debout, son cloître de Saint-Trophine sont trop connus et ont été trop de fois décrits pour que nous prenions la peine d’une redite inutile.

Les rives du Rhône, en approchant de la mer, s’abaissent et changent complétement de caractère. Ce sont des berges affaissées bordées de végétations confuses. Le fleuve, en se divisant, forme de nombreux îlots où se vautrent en liberté, dans l’herbe et la vase, des troupes de bœufs et de taureaux sauvages. Ces îles et les différents canaux qui les entrecoupent ont reçu le nom de Crau ou de Camargue. Les crues et les inondations changent souvent une partie de ces steppes en marécages.