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Le prodigieux bas-relief de Philippe de Bourgogne, représentant tous les épisodes de la Passion, dans un style qu’on ne peut comparer qu’à celui d’Albert Durer et d’Holbein, n’avait pas subi la plus légère dégradation. Toutes les saillies, si fines et si délicates, étaient intactes ; aucun soldat n’avait perdu son nez ou sa dague. Six années s’étaient écoulées sans rayer de l’ongle ces épidermes de pierre.

Les chimères qui allongent leurs pattes griffues sur la rampe de cet étrange escalier, qui mène à une porte qu’on prendrait pour une fenêtre, se tordaient aussi bizarrement qu’autrefois dans la pose accoutumée.

Un sang toujours vermeil coulait de la blanche poitrine de cette sainte Casilda, œuvre du chartreux don Diégo de Leyva, à qui nous adressâmes un sonnet, au temps heureux où nous étions encore assez jeune pour composer des vers. Et du sein d’Abraham montait à la voûte, plus compliqué que jamais, l’arbre généalogique de la Vierge, portant des patriarches pour fleurs, et laissant scintiller, à travers l’inextricable enchevêtrement de ses rameaux, le soleil, la lune et les étoiles sur champ d’azur.

Que dire de cette éblouissante chapelle du connétable, miraculeux filigrane, forêt d’arabesques, où le