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c’est tout simple, comme, dans cinquante ans, il n’y aura rien d’extraordinaire à partir en ballon.

Tout en courant sur les tringles de fer, nous pensions à l’époque déjà prochaine où tout autre moyen de transport sera supprimé, et où les entrepreneurs disposeront à leur gré de la locomotion en France. — Le chemin de fer rend la poste impossible, comme l’imprimerie et la poudre à canon ont rendu impossibles l’art du calligraphe et l’emploi des flèches. Le cheval, découragé par la locomotive et sentant que son règne est fini, ne veut plus marcher. Le postillon rêve d’être employé sur quelque ligne ferrée, et d’indiquer, le bras tendu, la main sur le cœur, que l’on peut passer sans péril.

Cependant, si, comme l’établissent des calculs fort bien faits, basés sur la quantité de fumée qui se produit, les houillères et les mines d’anthracite ne contiennent pas de quoi suffire à la consommation pour plus de quatre-vingt-dix ans, que deviendra le monde d’alors ? quelle figure feront nos descendants, réduits à tirer eux-mêmes leurs wagons à la place des locomotives éteintes ? Car la race chevaline aura disparu, ou il n’en existera que de rares exemplaires au Jardin des Plantes et dans les musées zoologiques.