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Si l’on vous dit qu’il n’y a plus rien d’arabe à Alger, ne le croyez pas. Suivez par les rues étroites quelque guide indigène, et vous entendrez bientôt ronfler le tambour des aïssaoua, qui, dans la cour d’une maison moresque, mangent des serpents, avalent des scorpions, lèchent des fers rouges, mâchent des braises, se font sortir les yeux de la tête, se promènent sur des yataghans affilés, et exécutent avec la même furie leurs exercices diaboliques.

Ce spectacle vous répugne-t-il, arrêtez-vous devant cette porte qui laisse filtrer avec quelques rayons de lumière une languissante et rêveuse mélodie. La flûte de derviche soupire, le rebeb fait des arpéges, le tarbouka marque la mesure ; on dirait un thème de Félicien David ou d’Ernest Reyer. Entrez : les danseuses aux molles poses se lèvent comme dans un rêve ; peu à peu elles s’animent, elles soulèvent leurs mains teintes de henné et agitent des mouchoirs à broderies ; des frissons d’or et d’argent tremblent sur leurs costumes d’étoffes brillantes ; les anneaux de leurs pieds tintent et marquent la mesure. Diaz, en son bon temps, n’a rien fait de plus vif et de plus harmonieux, de plus frais et de plus chaud comme couleur. Leurs silhouettes gracieuses se détachent d’un fond de murailles blanches, et, sur le haut