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Nous avions entendu raconter les choses les plus effrayantes sur la brutalité féroce des portefaix du Rhône, espèce de Samsons et de Goliaths provençaux qui se disputaient les voyageurs comme une proie avec des jurements affreux, et se mettaient cinquante pour porter une malle et un carton à chapeau. — Ces sacripants s’appelaient les robeïroous. — Nous devons dire, au détriment de la couleur locale, que leur corporation a été dissoute depuis longtemps, bien que les touristes continuent par tradition à se plaindre de leurs excès.

L’idée d’Avignon est inséparable, pour nous, d’une ronde enfantine bien connue :


Sur le pont d’Avignon,
L’on y danse tout en rond.

Aussi, à peine étions-nous débarqués, que nous courûmes au pont cité par la ballade : il existe, en effet, quoique rompu et séparé de la rive par l’absence de deux arches ; nous pouvons affirmer que l’on n’y dansait pas tout en rond, et que même il n’y pourrait danser personne. On a établi des jardinets sur la chaussée, ce qui prouve qu’à aucune époque de l’année on ne s’y livre à des rondes.

Vous avez sans doute vu, au Salon dernier, la Vue