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s’était imposé une rude pénitence en passant la nuit par mortification auprès de jeunes filles dont il n’effleurait pas la vertu.

Ayscha dormait avec une sérénité parfaite ; elle avait sans doute oublié les djinns, car l’ombre d’aucun mauvais rêve ne passa sur son front calme, et ses longs cils baissés, ouverts en éventail noir sur ses joues rosées par le sommeil comme celles des enfants, ne se relevèrent pas une seule fois. Sa chemise de gaze de soie, entr’ouverte, laissait deviner dans une ombre transparente deux seins naissants, tatoués, l’un d’une petite croix d’azur, l’autre d’une rose au feuillage bleu et à la fleur rouge.

Les nuits ne sont pas longues en Afrique au mois d’août, et une lueur bleuâtre, pénétrant par la lucarne où rafraîchissait la gargoulette, vint faire jaunir la lueur tremblante de la lampe : je me levai et je me penchai à la lucarne. Le gouffre du Rummel traversé de ses deux arcades gigantesques se creusait dans la brume azurée sous la muraille de la maison, et les cigognes qui laissent tomber des serpents sur les toits de tuile de Constantine, commençaient à voler gravement à travers de folles bouffées de tourterelles grises.

Les deux belles dormeuses s’éveillèrent, et, avant de