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éperdus, de torses pantelants, de gorges battant la campagne, de petits talons résonnant sur les dalles comme des sabots de gazelle.

C’était horrible et charmant, j’étais épouvanté et ravi ; ces belles jeunes femmes, à travers ce délire orgiaque et ces fureurs de ménade antique, conservaient une sorte de grâce effrayante. Ces tambours, ces chants, ces cris, ces spasmes, ces respirations pressées, ce tumulte de couleurs et de formes, me donnaient le vertige, et il me semblait entendre palpiter sous le plafond des galeries les ailes onglées et membraneuses des djinns mis en fuite.

Deux ou trois danseuses tombèrent tout d’une pièce sur le sol avec une roideur tétanique. On les remit sur leur séant, on leur versa un pot d’eau sur la tête, et elles reprirent leurs sens peu à peu, jetant autour d’elles de longs regards effarés, empreints encore de la terreur des apparitions entrevues. La conjuration avait réussi. Les djinns s’étaient envolés, et, débarrassée désormais de ces hôtes incommodes, la maison devenait habitable.

Les actrices de ce drame étrange reprirent lentement leur costume, rajustèrent leur coiffure et se retirèrent par petits groupes. Je m’attendais à voir les vieilles