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Ayscha (elle se nommait ainsi, à ce que m’apprit mon compagnon) se tortillait comme un ver coupé en quatre ou comme une grenouille sur la pile de Volta. Son petit corps frêle et nerveux paraissait subir plus vivement que les autres l’influence de l’incantation magique ; mais, au milieu de ces spasmes chorégraphiques, son délicat visage gardait toujours sa pure beauté et ressortait parmi ces Méduses échevelées comme un masque de marbre pâle.

Les ombres perchées sur le bord de la terrasse poussèrent un long cri d’encouragement. Ce cri, lugubre à faire figer la moelle dans les os, s’obtient en frappant la bouche avec la paume de la main pendant l’émission du son. On dirait un glapissement de chacal blessé se plaignant à la nuit.

Haletantes, suffoquées, râlant comme des soufflets de forge, mais continuant toujours leurs exercices diaboliques, les danseuses se débarrassèrent de leurs vestes, puis de leurs foutahs, ne gardant que leurs pantalons de soie et leurs chemises de gaze. Le rhythme inexorable pressait la danse d’une mesure de plus en plus rapide. Les vieilles nasillaient leur chanson enragée, et ce ne fut bientôt plus qu’une mêlée de mouvements convulsifs, de chevelures sifflantes, de bras