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frissonnaient des chaînettes à triple rang rattachées par les demi-boules de filigrane au cercle de sa calotte de velours.

Elle se plaça en face de sa compagne, que j’ai su depuis être sa sœur, et se mit à agiter son corps souple avec des ondulations de serpent debout sur sa queue. La chorégraphie orientale repose sur des principes tout à fait opposés à ceux qui régissent la nôtre. Les jambes doivent demeurer immobiles, et le torse seul a la permission de se trémousser ; ce qui est le contraire des recommandations des maîtres de danse à leurs élèves d’Europe. Des balancements de hanches, des torsions de reins, des renversements de tête et des développés de bras, une suite d’attitudes voluptueuses et pâmées composent le fond de la danse en Orient. L’on avance et l’on évolue par d’imperceptibles déplacements de pieds : lever les jambes jusqu’à hauteur d’œil, comme le font Elssler et Carlotta Grisi, serait réputé une suprême indécence, malgré les caleçons larges beaucoup moins accusateurs que le maillot. Il est vrai que par compensation la danse africaine nous paraît très-libre et très-lascive ; ce n’était pas le cas, cette fois, où elle empruntait à son but particulier un caractère mystérieux, fatidique et sacré.