Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette danseuse était grande et bien faite. Ses formes, richement développées et robustes, sans lourdeur, ressortaient sous un splendide costume tout étincelant de lumière, dans les poses variées des premières évolutions de la danse, qu’elle semblait accomplir comme une somnambule, n’ayant pas la conscience de ce qu’elle faisait. Sa figure charmante, dont l’expression ordinaire devait être la gaieté, avait légèrement pâli et se contractait en prenant une expression presque douloureuse ; ses membres tressaillaient convulsivement à chaque attaque du rhythme comme sous une secousse galvanique.

Bientôt une autre danseuse se leva et vint se placer en face d’elle. Celle-là, mince, svelte, petite, n’annonçait guère plus de quatorze ou quinze ans ; son corps tout mignon gardait encore la gracilité enfantine de la première puberté. Ses traits, d’une finesse extrême et d’une régularité parfaite, avaient la fraîcheur d’arêtes, la netteté de burin d’un camée sorti d’hier des mains de l’artiste. La vie n’avait encore rien émoussé ni fatigué dans ces lignes si pures, et, n’étaient deux longues paupières noires, deux sourcils renforcés de surmeth à l’orientale, on eût cru voir animée et vivante la tête de la Psyché de Pompéi ; comme pour mettre à sa beauté un cadre d’or, le long de ses joues pâles scintillaient et