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tarbouka, que les jeunes danseuses rangées à leur place semblaient écouter avec beaucoup d’attention. Cependant, aucune d’elles ne bougeait. Alors, les musiciennes haussèrent la voix et firent résonner plus fortement la peau d’âne des tarboukas ; quelques oscillations de tête d’arrière en avant et d’avant en arrière montrèrent que le charme opérait.

Ce mouvement, nous l’avions déjà vu faire aux aïssaoua, au haouch de Gerouaou ; plus tard, nous le vîmes répéter aux derviches hurleurs de Scutari, et il paraît nécessaire au fanatisme oriental pour s’entraîner à ces exercices de pénitence ou de conjuration, qui semblent vraiment dépasser les forces humaines. Sans doute il détermine une congestion cérébrale momentanée, une catalepsie factice qui empêche les acteurs de ces terribles parades religieuses de sentir la fatigue et la douleur.

Aux excitations plus pressantes du rhythme, une danseuse se leva lentement et comme subjuguée, avec le frémissement et la secrète horreur de la pythonisse qui va se livrer aux vapeurs du trépied ; elle s’avança jusqu’au milieu de la cour, se tordit les bras dans un spasme nerveux, et, vaincue désormais, s’abandonna sans résistance au dieu ou au démon évoqué.