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jugulaires trois chaînettes d’or tombant de deux boutons de pierreries fixés aux tempes, et encadrant sans le toucher l’ovale de leur figure.

C’était une charmante compensation aux atroces stryges, aux abominables goules dont j’ai charbonné tout à l’heure le croquis.

Au rebord de la terrasse intérieure formée par les quatre murailles de la cour, je discernais, à la lueur tremblante des veilleuses, sur le fond noir du ciel, des ombres blanchâtres, accroupies, accoudées ou debout, s’enveloppant dans leurs draperies comme des cigognes dans leurs ailes, et se tenant aussi immobiles que des figures de marbre sur la ligne d’une attique : c’étaient les femmes de la maison et les voisines qui voulaient assister à la conjuration sans être vues, et satisfaire à la fois leur curiosité et la réserve orientale.

Quelques hommes, Bédouins ou Kabyles, la chachia ceinte de la corde de poil de chameau, se tenaient groupés sur les marches d’un escalier conduisant à l’étage supérieur.

On nous fit asseoir près du sauvage orchestre, et la cérémonie commença. Les vieilles femmes murmurèrent d’abord d’un ton bas et traînant une sorte d’incantation soutenue de quelques sourds ronflements de