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idée à ceux qui n’ont pas franchi les monts. Mais celles-ci me parurent supérieurement hagardes et truculentes ; elles tenaient, entre leurs mains brunes et ridées comme des pattes de singe, des tarboukas dont elles interrogeaient distraitement la peau avant de commencer leur bacchanale.

En face étaient assises, à la mode orientale, quatre ou cinq jeunes femmes coiffées de ces mouchoirs de soie aux couleurs éclatantes et tramés de fils d’or, que les Moresques savent tourner si coquettement autour de la calotte de velours qui couvre le sommet de leur tête ; leurs paupières noircies d’antimoine, leurs sourcils peints et rejoints à la racine du nez donnaient à leur beauté un caractère étrange qui n’était pas sans charme. Des vestes brodées, une chemise de gaze échancrée à la poitrine, des caleçons de soie arrêtés au genou, un mouchoir agrémenté d’or servant de ceinture, et la foutah, espèce de jupon ouvert par devant et bridant sur les reins, formé d’un foulard zébré de nuances vives et de paillon, composaient leur costume, avec quelque différence de détail due à la richesse ou au caprice de chacune d’elles ; de longues pendeloques d’un goût barbare frémissaient à leurs oreilles, et quelques-unes, mode particulière à Constantine, portaient comme des