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sur lesquelles retombaient des arcades évasées en cœur, et semblable pour la disposition au patios des maisons d’Andalousie, qui ne sont, du reste, eux-mêmes, que des imitations de l’architecture moresque.

Une vingtaine de veilleuses, nageant dans des verres pleins d’huile et suspendus par des fils d’archal, concentraient leur lumière sur le milieu de la cour, laissée libre pour les danses.

Sous les arcades se tenaient accroupies, dans des poses de macaque, sept ou huit vieilles, évidemment cousines des sorcières de Macbeth, malgré leurs yeux de chouette, brillant dans une large auréole bistrée, leurs nez luisant comme des becs d’oiseau de proie, leurs gros sourcils noirs et leur teint de revers de botte tanné par soixante années de soleil, qui montraient irréfragablement qu’elles avaient plutôt foulé le sable d’Afrique que la bruyère de Dunsinane. Quelques-unes étaient juives, comme l’indiquait la bandelette de velours noir historiée de paillon qui pressait leurs tempes décharnées, et dont les bouts flottaient par derrière sur leurs maigres épaules : jamais juives n’ont gâté sorcellerie, et leur place est toujours marquée d’avance au sabbat. — J’avais vu en Espagne d’assez terribles vieilles, et les caprices de Goya en peuvent donner une