Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tastiques eaux-fortes de Rembrandt où la réalité prend les formes du cauchemar. Nous marchions au milieu de la jaune pénombre du fanal, ayant derrière nous et devant nous l’obscurité la plus opaque. Quelque Arabe attardé se glissait le long des parois, enveloppé de son suaire blanchâtre ; un chien réveillé se déplaçait en poussant un gémissement plaintif et se traînait comme une larve hideuse hors du rayon de lumière pour s’aller rouler en boule un peu plus loin.

J’éprouvais cette sorte de plaisir angoisseux qui devait faire palpiter le cœur des héroïnes qu’Anne Radcliffe promène, une lampe à la main, à travers les corridors interminables de ses châteaux pleins de terreurs et d’apparitions.

Nous arrivâmes enfin près d’une maison laissant filtrer, par les fentes de la porte, quelques filets de lumière qui rejaillissaient en éclaboussures bizarres sur la muraille opposée. C’était là qu’avait lieu la cérémonie.

Après quelques mots en arabe échangés par mon compagnon avec un grand drôle basané, dont la face sombre faisait luire deux rangées de dents désordonnées et férocement blanches, on nous fit entrer dans une cour entourée d’un portique de petites colonnes,