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dans une de ces lanternes de papier bariolé qui s’allongent et se reploient élastiquement et que les illuminations des fêtes publiques ont rendues si communes en France depuis la conquête d’Alger.

— Je ne vous dirai pas, comme Henri IV : « Ne perdez pas de vue mon panache blanc, il vous conduira au chemin de l’honneur » ; mais je vous recommande de vous diriger sur ma lanterne comme sur l’étoile polaire. La civilisation n’a pas encore fait jouir Constantine de ses progrès. Le gaz, et même les réverbères, sont aussi inconnus ici que du temps de Mahomet, et les rues sont si noirement compliquées, qu’il est fort aisé de s’y perdre.

On verra tout à l’heure que la recommandation n’était pas inutile.

Nous suivions des ruelles si étroites, que deux ânes chargés n’eussent pu y passer de front. Les maisons, à étages surplombant comme des escaliers renversés, se touchaient souvent par le haut, interceptant la faible lueur du ciel nocturne ; certains passages étaient voûtés et comme souterrains, et nos ombres, projetées par la clarté tremblante de la lanterne, vacillaient sur des pans de mur éraillés, sur de vieilles portes cadenassées en portes de prison, comme dans ces bizarres et fan-