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j’ignore ce que c’est que la danse des djinns, et que ce que vous dites pique ma curiosité.

— En France, me répondit mon ami d’un ton un peu sceptique et légèrement voltairien, on croit aux revenants : une souris trotte derrière une boiserie, un linge pend d’une façon lugubre au clair de lune, le vent se plaint dans un tuyau de cheminée ; on explique tout cela par le mot revenant, et quelques messes procurent le repos à l’âme en peine. Ici, l’on croit aux djinns. La ballade ascendante et décroissante d’Hugo a dû vous familiariser avec ce nom baroque et vous apprendre à peu près ce qui en est. Les djinns sont des esprits nocturnes qui se plaisent à tracasser les habitants de certaines maisons où a été commis anciennement quelque crime ignoré, ou qu’un jettator a maléficiées de son regard bigle, malgré les mains vertes et rouges appliquées, comme préservatif, sur la chaux blanche de la muraille. Pour les faire déloger, on exécute, au son des tarboukas, des danses échevelées et symboliques qui leur sont particulièrement désagréables et mettraient en fuite des diables plus cornus et plus griffus qu’eux. — Ce programme doit suffire à votre intelligence. Levez-vous et suivez-moi ; la cérémonie va commencer.

Mon ami alluma un bout de bougie qu’il introduisit