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au moyen âge ; et l’illusion serait complète si une foule d’affreux ponts suspendus, que le tuyau du bateau à vapeur est obligé de saluer, ne venaient la déranger.

Il est difficile de rien voir de plus beau que cette descente du Rhône : de grandes roches mêlent çà et là leur âpreté d’arêtes à la douceur harmonieuse des contours : tantôt ils bossellent la crête des collines, tantôt ils s’avancent jusque dans le courant même, qu’ils semblent vouloir barrer.

Le mont Ventoux, dont la taille grandit sensiblement, mord le bas du ciel de ses deux dents bien distinctes. Les montagnes s’escarpent et atteignent par endroits quinze cents et deux mille pieds. Les trois roches de lave qui surmontent Roquemaure ont des attitudes pyramidales et singulières. Son château est d’un aspect féodal à réjouir un poëte romantique, si les poëtes romantiques étaient capables de se réjouir.

Montélimart, Viviers, Pierre-Latte, Saint-Andéol se succèdent avec une éblouissante rapidité ; les donjons, les castels, plus ou moins endommagés par l’injure du temps ou des hommes, se montrent plus fréquemment que jamais des deux côtés du fleuve ; le château de Soubise, entre autres, est encore très-beau, et ses robustes