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table. C’est une mauvaise habitude ; on en reviendra. Qu’est-ce qui empêche de mettre la préface et la table côte à côte, sans le remplissage obligé de roman ou de contes ? Il me semble que tout lecteur un peu imaginatif supposerait aisément le milieu, à l’aide du commencement et de la fin : sa fiction vaudrait probablement mieux que la réalité, et d’ailleurs il est plus agréable de faire un roman que de le lire.

Moi, pour mon compte, et je prétends vous convertir à mon système, je ne lis que les préfaces et les tables, les dictionnaires et les catalogues. C’est une précieuse économie de temps et de fatigue : tout est là, les mots et les idées. La préface, c’est le germe ; la table, c’est le fruit : je saute comme inutiles tous les feuillets intermédiaires. Qu’y verrais-je ? des phrases et des formes ; que m’importe ! Aussi, depuis deux ans que j’ai fait cette précieuse découverte, je suis devenu d’une érudition effroyable : je ferais honte à Cluverius, à Saumaise, à dom Calmet, à dom Sanchez et à tous les dom bénédictins du monde ; je disserterais, comme Pic de la Mirandole, de omni re scibili et quibusdam aliis. Citez-moi quelque chose que je ne sache pas, je vous en défie ; et, pour peu que vous usiez de ma méthode, vous arriverez au même résultat que moi.

Il en est des livres comme des femmes : les uns ont des préfaces, les autres n’en ont pas ; les unes se rendent tout de suite, les autres font une longue résistance ; mais tout finit toujours de même… par la fin. Cela est