Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/63

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le cheval allait comme le vent bientôt Onuphrius vit poindre au dos de la colline la maison de M. de *** blanche entre les marronniers. Comme la grande route faisait un détour, il la quitta pour un chemin de traverse, un chemin creux qu’il connaissait très-bien, où tout enfant il venait cueillir des mûres et chasser aux hannetons.

Il était à peu près au milieu quand il se trouva derrière une charrette à foin, que les détours du sentier l’avaient empêché d’apercevoir. Le chemin était si étroit, la charrette si large, qu’il était impossible de passer devant : il remit son cheval au pas, espérant que la route, en s’élargissant, lui permettrait un peu plus loin de le faire. Son espérance fut trompée ; c’était comme un mur qui reculait imperceptiblement. Il voulut retourner sur ses pas, une autre charrette de foin le suivait par derrière et le faisait prisonnier. Il eut un instant la pensée d’escalader les bords du ravin, mais ils étaient à pic et couronnés d’une haie vive ; il fallut donc se résigner : le temps coulait, les minutes lui semblaient des éternités, sa fureur était au comble, ses artères palpitaient, son front était perlé de sueur.

Une horloge à la voix fêlée, celle du village voisin, sonna six heures ; aussitôt qu’elle eut fini, celle du château, dans un ton différent, sonna à son tour ; puis une autre, puis une autre encore toutes les horloges de la banlieue d’abord successivement, ensuite toutes à la fois. C’était un tutti de cloches, un concerto de timbres flûtés, ronflants, glapis-