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— Je n’aime pas à entendre les pies, dit Maria, en se serrant contre moi, d’un air de doute et de crainte.

— Bah ! répliquai-je, je vais lui jeter une pierre, il faudra bien qu’elle se taise, la vilaine bête.

Je quittai le bras de Maria, je ramassai un caillou, et je le jetai à la pie ; la pierre atteignit une branche au-dessus, dont elle écorcha l’écorce : l’oiseau sautilla, et continua ses criailleries moqueuses et enrouées.

— Ah ! c’est trop fort ! m’écriai-je ; tu me veux donc narguer ?

Et une seconde pierre se dirigea, en sifflant, vers l’oiseau ; mais j’avais mal visé, elle passa entre les premières feuilles et alla tomber, de l’autre côté, dans un champ de luzerne.

— Laisse-la tranquille, dit la petite en posant sa main délicate sur mon épaule, nous ne pouvons l’empêcher.

— Soit, répondis-je.

Et nous continuâmes notre chemin.

Le temps était gris terne, et, quoiqu’on fût au printemps, il soufflait une bise assez piquante ; il y avait de la tristesse dans l’air comme aux derniers jours d’automne. Maria était pâle, une légère auréole bleuâtre cernait ses yeux languissants : elle avait l’air fatigué, et s’appuyait plus fortement que d’habitude ; j’étais fier de la soutenir, et, quoique je fusse presque aussi las qu’elle, j’aurais marché encore deux heures.