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Nous nous en allâmes coucher, le cœur gros de pressentiments funestes.

IV

Plusieurs jours s’écoulèrent tristement ; mais rien d’extraordinaire n’était venu réaliser les appréhensions de Berthe.

Elle s’attendait à quelque catastrophe : le mal fait à un grillon porte toujours malheur.

— Vous verrez, disait-elle, Pragmater, qu’il nous arrivera quelque chose à quoi nous ne nous attendons pas.

Dans le courant du mois, mon oncle reçut une lettre venant de loin, toute constellée de timbres, toute noire à force d’avoir roulé. Cette lettre lui annonçait que la maison du banquier T***, sur laquelle son argent était placé, venait de faire banqueroute, et était dans l’impossibilité de solder ses créanciers.

Mon oncle était ruiné, il ne lui restait plus rien que sa modique prébende.

Pragmater, à demi ébranlé dans sa conviction, se faisait, à part lui, de cruels reproches. Berthe pleurait, tout en filant avec une activité triple pour aider en quelque chose.

Le grillon, malade ou irrité, n’avait pas fait entendre sa voix depuis la soirée fatale. Le tourne-