Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/248

Cette page a été validée par deux contributeurs.

galope ; admettons pour cette fois-ci le lieu vague que propose Corneille dans les préfaces de ses tragédies, un lieu qui n’est ni un cabinet, ni une antichambre, ni une maison, ni une rue, mais qui est un peu tout cela. La chambre de Théodore sera tout à la fois cuisine, salon, auberge et boudoir. Nous y mettrons un peu de complaisance, et nous nous aiderons nous-mêmes à nous faire illusion. On établira une table en fer à cheval : à l’une des extrémités il y aura une belle nappe damassée, des assiettes de porcelaine, des cristaux et de l’argenterie ; à l’autre, un torchon de toile à voile, des plats de terre, des bouteilles de grès et des fourchettes en métal d’Alger.

— Et des filles, il nous faut absolument des filles !

— Des filles, je m’en charge, fit Roderick, mais pour la partie fashionable seulement. Je connais tout ce qu’il y a de mieux de ce genre, et je vous amènerai ce qu’on peut nommer à juste titre l’élite de la société. Quant aux autres, les premières que vous rencontrerez, vous les enverrez ici ; plus elles seront laides et ignobles, mieux elles vaudront !

— Ainsi soit fait comme il est dit. Nous comptons sur toi, Roderick.

— Soyez tranquilles.

Après avoir échangé plusieurs poignées de mains, les dignes Jeunes-France se séparèrent pour vaquer aux préparatifs de ces mystères orgiaques. Théodore courut à sa maison, fit débarrasser la chambre