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nait. L’un avait une barbe noire taillée à la François Ier, l’autre une pointe et les cheveux en brosse, à la Saint-Mégrin, un troisième une royale, comme le cardinal Richelieu ; les autres, trop jeunes pour posséder cet accessoire important, s’en dédommageaient par la longueur de leur chevelure. L’un avait un pourpoint de velours noir et un pantalon collant, comme un archer du moyen âge ; l’autre un habit de conventionnel, avec un feutre pointu de raffiné ; celui-ci, une redingote de dandy, d’une coupe exagérée et une fraise à la Henri IV. Tous les autres détails de leur ajustement étaient entendus dans le même style, et l’on eût dit qu’ils avaient pris au hasard et les yeux fermés, dans la friperie des siècles, de quoi se composer, tant bien que mal, une garde-robe complète. Les occupations de ces dignes individus étaient tout à fait en rapport avec leur extérieur.

Le François Ier chantait faux, et avec un accent normand, une romance espagnole.

Le Saint-Mégrin jouait au bilboquet, ou lançait des boulettes avec une sarbacane.

Le Richelieu fumait gravement un cigare éteint.

Le conventionnel racontait d’une voix de Stentor une de ses bonnes fortunes à son ami le fashionable, et il lui recommandait le secret.

L’archer lisait le Courrier des Théâtres ; le dandy guillotinait des mouches avec des queues de cerises.

Philadelphe, le maître de la maison, faisait de ses bras un Y et de sa bouche un grand O, en bâil-