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Quant à mes opinions politiques, elle sont de la plus grande simplicité. Après de profondes réflexions sur le renversement des trônes, les changements de dynastie, je suis arrivé à ceci — 0.

Qu’est-ce qu’une révolution ? Des gens qui se tirent des coups de fusil dans une rue : cela casse beaucoup de carreaux ; il n’y a guère que les vitriers qui y trouvent du profit. Le vent emporte la fumée ; ceux qui restent dessus mettent les autres dessous ; l’herbe vient là plus belle le printemps qui suit : un héros fait pousser d’excellents petits pois.

On change, aux bâtons des mairies, les loques qu’on nomme drapeau. La guillotine, cette grande prostituée, prend au cou, avec ses bras rouges, ceux que le plomb a épargnés, le bourreau continue le soldat, s’il y a lieu, ou bien le premier drôle venu grimpe furtivement au trône et s’assoit dans la place vide. Et l’on n’en continue pas moins d’avoir la peste, de payer ses dettes, d’aller voir des opéras-comiques, sous celui-là comme sous l’autre. C’était bien la peine de remuer tant d’honnêtes pavés qui n’en pouvaient mais !

Quant à mon opinion sur l’art, je pense que c’est une jonglerie pure, et je suis parfaitement de l’avis d’Arnal : « Cela s’appelle des artistes ! Ces baladins sont-ils fiers ! » En fait d’artistes, je n’estime que les acrobates. Il faut véritablement dix fois plus d’art pour danser sur la corde lâche que pour faire cent poèmes épiques et vingt charretées de tragédies en cinq actes et en vers.