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croyait s’en dédommager amplement du côté de la femme. Nous verrons.

Cependant son ami Albert dormait comme un chantre à matines.

Rodolphe découpa soigneusement la silhouette de la belle inconnue, avec ses yeux aidés de sa lorgnette, et la serra dans un recoin de son cœur, afin de la pouvoir reconnaître en tous les lieux du monde.

Cela fait, il rêva au moyen de lier connaissance avec elle, d’apprendre qui elle était, et comment on y pouvait arriver.

Il roula dans sa tête une infinité de projets, tous plus passionnés les uns que les autres.

Il résolut d’abord de se présenter à sa princesse comme les héros des romans espagnols, en tuant quelque taureau furieux ;

Ou comme Antony, en se jetant au-devant des chevaux de sa voiture ;

Ou comme don Cléofas, en la sauvant d’un incendie ; mais une seule condition rendait ces projets inexécutables, c’était l’impossibilité d’une pareille circonstance ; il est vrai qu’on pouvait la faire naître soi-même en mettant le feu à la maison, ainsi que Lovelace dans Clarisse Harlowe, mais cela était fort chanceux, les pompiers pouvant très-bien se charger de l’affaire, et le Code civil ne badinant pas avec ces sortes de choses et n’entendant rien du tout aux développements de la passion.

Il était donc singulièrement perplexe : la fin de la