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din, délicieusement meublé, qui conviendrait admirablement à un jeune ménage ?

M. Desprez donna un tour au bec de cane et entr’ouvrit le battant.

— Vous attendiez un gendre, il ne vient pas ; voulez-vous que je le remplace… à tout hasard, bien qu’il soit de bonne heure ? Je me suis mis en habit noir, j’ai le costume de la circonstance.

— C’est vrai, il a une cravate blanche, dit M. Desprez tout à fait convaincu.

Et il rejeta le battant de la porte avec fracas.

Henri s’arrêta incertain sur le seuil.

— Messieurs, dit M. Desprez d’une voix éclatante, je vous présente M. Henri Dalberg, mon gendre… au contrat duquel vous allez signer.

— Je vous l’avais bien dit, mon père, murmura tout bas Calixte, que je n’aurais jamais d’autre époux que Dalberg !

L’explication que donna M. Desprez de cette substitution inattendue d’un gendre à un autre, quoique passablement embrouillée, fut acceptée sans conteste par tout le monde, car Henri Dalberg était généralement aimé, et la société de M. Desprez n’avait pas vu avec plaisir Rudolph fréquenter cette maison.

Nous ne ferons pas à nos lecteurs l’injure de leur expliquer que Florence avait appris, pendant ses relations avec M. de Turqheim, le métier infâme que faisait Rudolph, espion de la cour étrangère dont M. de Turqheim était le représentant ; les preuves écrites de cette turpitude étaient contenues dans la lettre remise à M. Desprez par Dalberg. Rudolph, menacé de voir publier ces terribles documents, avait quitté la France.

Dans le courant de cette heureuse journée, Calixte reçut une lettre dont la suscription portait : « À madame Dalberg. » Pendant qu’elle la lisait, son sein se