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s’est passé, une rencontre ici, entre vous et Rudolph, serait évidemment désagréable.

— N’ayez aucune crainte de ce côté, monsieur Desprez, répondit Dalberg d’une voix ferme, Rudolph ne viendra pas, ou je me trompe fort.

— Comment ! que dites-vous ? s’écria l’ex-notaire ; Rudolph ne pas venir ! c’est de la folie !

— Nullement ; prenez connaissance de la lettre que je vous apporte, et cela vous paraîtra fort raisonnable.

M. Desprez rompit le cachet d’une main tremblante, et tira de l’enveloppe quelques papiers dont la lecture rapide le fit changer plusieurs fois de couleur et pousser des exclamations entrecoupées.

— Quelle horreur ! quelle infamie ! qui aurait jamais cru cela ? Fiez-vous donc aux gens… C’est qu’il n’y a pas moyen d’en douter ! Ah ! fi donc ! et moi qui ai donné la main à cet homme-là ! dit le brave notaire en faisant le geste de s’essuyer.

— Êtes-vous toujours décidé à donner mademoiselle votre fille au baron Rudolph ? dit Henri, qui avait regagné du terrain et se trouvait au milieu de la pièce.

— Moi, jamais de la vie. — Donner ma fille à ce Rudolph, un espion ! j’aimerais mieux un voleur !

— Et même un honnête garçon ? dit Henri en poussant M. Desprez vers la porte du salon où se tenaient les témoins.

M. Desprez parut réfléchir.

— Qui adore Calixte, qui au lieu d’avoir perdu les vingt-cinq mille livres de rente qu’il possédait en a maintenant trente bien assurées ?

La méditation de M. Desprez devint plus intense, et il mit la main sur le bouton de cuivre de la porte.

— Sans compter un joli hôtel, entre cour et jar-