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Qui pourrait peindre l’étonnement de M. Desprez lorsque, dans la pièce voisine, il se trouva face à face avec Henri Dalberg ?… Il écarquilla les doigts, ouvrit la bouche sans émettre de son, et ses prunelles s’entourèrent de blanc, signe de stupeur, s’il faut en croire les cahiers d’expressions dessinés par Charles Lebrun.

— Comment ! vous ici, mauvais garnement ! vous venez faire quelque scène inconvenante, dit enfin l’ex-notaire un peu revenu à lui, troubler une cérémonie respectable !

— Monsieur Desprez, répondit Dalberg avec la plus extrême politesse, je crois que vous vous méprenez sur mes intentions : quel que soit mon chagrin d’être banni de la présence de mademoiselle votre fille sans l’avoir mérité, je la respecte trop pour me livrer à aucune démonstration qui pourrait la compromettre ; la douleur de n’être pas votre gendre ne me fera jamais oublier les devoirs d’un homme de bonne compagnie que je n’ai pas cessé d’être, malgré les préventions que vous avez conçues contre moi. — Ce n’est pas pour cela que je viens. Daignez prendre connaissance de cette lettre.

Dalberg tendit à M. Desprez une enveloppe toute chamarrée de timbres, tigrée de visas, au milieu de laquelle s’arrondissait un de ces prodigieux cachets, triomphe des chancelleries.

— Je lirai cela plus tard, dit M. Desprez en faisant mine de plonger la lettre dans une de ses poches, et je vous rendrai réponse plus tard.

Henri fit un signe de dénégation, marquant qu’il voulait sa réponse tout de suite.

— Vous sentez, mon cher, continua M. Desprez en faisant quelques pas du côté de la porte comme pour indiquer la sortie au jeune homme, qu’après ce qui