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Mademoiselle Desprez se tenait à droite au bord de son fauteuil, pâle, immobile, les yeux fixés sur le cadran, l’oreille tendue et buvant chaque son, chaque roulement de voiture, chaque bruit de pas qui se produisaient dans la rue.

L’aiguille marquait midi un quart. — Calixte respira, et une légère teinte rosée reparut sur ses joues.

— Est-ce que la pendule avance ? dit M. Desprez en consultant sa montre… Non… Rudolph devrait être arrivé ; mais il y a toujours le quart d’heure de grâce.

Interrompu un instant par l’observation de M. Desprez, le léger chuchotement de conversations à demi-voix qui bourdonnait dans le salon reprit son cours. — M. Desprez se mit à se promener de long en large, non sans quelque impatience, car il trouvait que Rudolph ne montrait pas un empressement suffisant.

— Bah ! dit-il, il se sera oublié à sa toilette. Un jour de contrat l’on ne saurait être trop beau.

Pendant cette promenade, le balancier, mêlant son tic-tac au craquement des souliers neufs de M. Desprez, avait accompli assez d’oscillations pour amener la sonnerie à frapper l’heure.

Le baron Rudolph, si exact, si poli, si minutieux observateur des convenances, était en retard de soixante minutes à toutes les horloges et à toutes les montres possibles.

Les témoins, visiblement décontenancés, ne savaient que faire de leurs personnes ; la face naguère si resplendissante de M. Desprez s’était considérablement rembrunie, les nuages s’amassaient sur son front. Celui de Calixte, au contraire, se rassérénait de plus en plus et se détachait lumineusement sur le fond sombre de la contrariété générale.

— C’est inconcevable, marmottait entre ses dents l’ex-notaire, lui qui paraissait si amoureux de Ca-