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c’est de penser qu’Henri m’aime toujours ; autrement, cette demoiselle ne m’aurait pas joué ce tour indigne.

« Maintenant qu’il ne pourra plus venir à la maison, il va bien s’ennuyer ; Rudolph le fera jouer et l’emmènera à ces vilains soupers d’où l’on ne sort que quand les honnêtes gens déjeunent ; tu dis que cette Amine est jolie, est-ce possible avec une âme si laide ? Veille bien sur Henri. Fais en sorte de te trouver souvent avec lui, ce sera un peu comme s’il était avec moi, car nous avons été trop unies pour qu’il ne resté pas beaucoup de l’une à l’autre.

« J’ai dit nettement à mon père que je n’aurais jamais d’autre mari que Dalberg. Il m’a répondu que je parlais comme une petite sotte qui ne savait rien des choses du monde. Car il ne me croit pas, à beaucoup près, si bien renseignée. »


AUTRE.

« Je suis allée hier à l’Opéra avec mon père et M. Rudolph, qui vient très-souvent chez nous maintenant, car il me fait la cour et veut m’épouser. C’est lui qui aura dit mon nom à cette méchante Amine et a machiné avec elle toute cette odieuse intrigue. Je me suis souvenue, en le voyant, qu’il avait eu autrefois quelques rapports avec mon père. Dalberg était en face de nous dans une baignoire avec cette fille ; j’aurais voulu la trouver laide. Mais tu as raison, elle est jolie… très jolie, — et doit être dangereuse : il faut empêcher Dalberg de la voir… Si tu savais quels yeux Henri a faits à Rudolph sur l’escalier… Ils vont se battre, bien sûr. Pourvu qu’Henri ne soit pas blessé ou tué ! Trouve quelque moyen d’arranger cela, ma bonne Florence… préviens la police, effraye Rudolph, mais surtout détourne Henri d’Amine, dusses-tu pour