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pour son amie déchue la même affection qu’auparavant. — Bien que M. Desprez lui eût enjoint de ne plus conserver aucun rapport avec elle, de ne pas la saluer si par hasard elle la rencontrait, et de ne jamais prononcer son nom, car Florence était une de ces femmes qu’une jeune personne ne doit pas connaître, il est douteux que Calixte eût suivi dans toute leur rigueur les ordres de son père.

Peut-être, dans sa naïveté virginale, Calixte ne comprenait-elle pas bien toute l’étendue de la faute de Florence, ou bien avait-elle l’indulgence de la vertu heureuse pour une belle âme tombée, mais non souillée.

Le bouquet de bleuets et de pavots peints par Florence occupait toujours sa place au-dessus du piano, et si quelques lettres manquaient au nom de la proscrite, à demi caché par la bordure, on eût pu le lire tout entier dans le cœur de son amie Calixte.

Sous une apparence de légèreté enfantine, elle avait un caractère ferme et ne cédait pas aisément à des idées qu’elle trouvait injustes. Ainsi Florence, condamnée par tout le monde, était absoute par elle.

Elle connaissait trop tous les trésors de cette âme généreuse, elle avait trop échangé de confidences avec ce pur et noble esprit pour croire jamais à sa dégradation.

Elle plaignit un malheur inévitable, et se dit que nulle autre dans une situation pareille n’eût lutté plus longtemps.

Les deux amies s’étaient sans doute rencontrées par hasard depuis la venue de Calixte à Paris, et, ne pouvant se voir, étaient convenues entre elles du moyen de correspondance que nous avons raconté au commencement de ce récit, car mademoiselle Desprez ne recevait pas de lettres. — Florence mettait ses billets dans le dossier de la chaise de Calixte, à