Page:Gautier - Les Roues innocents.djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il lui racontait les motifs de son arrestation et lui indiquait la somme nécessaire pour le délivrer.

Au bout de quatre ou cinq heures le geôlier vint dire à Dalberg qu’une dame demandait à le voir.

L’idée que ce pût être une autre que Florence ne vint pas au prisonnier, et sa surprise fut au comble quand, au lieu de celle qu’il attendait, il vit entrer dans sa cellule, devinez qui : Amine !

Ses yeux pétillaient d’une joie maligne ; ses petites narines palpitaient ; toute sa figure rayonnait de méchanceté satisfaite ; elle était jolie et scintillante comme une vipère en belle humeur.

Elle s’avança vers Dalberg avec des ondulations serpentines, et lui dit d’un ton de câlinerie perfide ;

— Eh bien, mon pauvre Dalberg, vous voilà donc chambré et mis à l’ombre pour quelque temps ; je viens vous tenir compagnie et vous consoler. C’est dans l’infortune que les vrais amis se connaissent, et vous savez que mon affection vous est acquise.

— Ne raillez pas, Amine ; ce n’est ni le moment ni le lieu.

— Je suis parfaitement sérieuse. Il ne vous manquait, pour être tout à fait du bel air, que d’aller en villégiature à Clichy, un mauvais sujet comme vous se devait cela. Vous avez marché rondement, grâce à Florence, une fine mouche que j’admire… J’espère que vous serez guéri désormais d’aimer des vertus ; c’est trop cher. Avec moi, vous auriez duré trois ans, et je vous aurais appris une foule de calembours et de plaisanteries toutes plus drôles les unes que les autres, qui vous auraient rendu agréable en société pour le reste de vos jours.

Dalberg fit un geste d’impatience.

— Ne froncez pas les sourcils, cela vous fera venir des rides entre les yeux, et recevez gentiment une bonne fille sans rancune qui vient vous apporter des