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et son honneur. — Telle eût été la femme que Dalberg eût choisie s’il n’avait pas aimé Calixte.

Amine, qui sentait la fausseté de cette situation, prit la parole, résolue à en sortir violemment.

— Allons-nous rester encore longtemps à nous faire les yeux en dessous et les griffes allongées comme des sphinx en arrêt ?… Je trouve que nous avons assez posé, madame et moi.

— Que voulez-vous dire, Amine ? répondit Dalberg ; je ne vous comprends pas.

— C’est pourtant bien simple.

— Expliquez-vous, de grâce !

— Je vais dessiner notre situation respective en trois mots : Calixte vous hait ; nous vous aimons toutes deux. — Choisissez.

— Florence m’aime ! est-il possible ? s’écria Dalberg.

Et, dans l’étonnement de sa joie, il tourna vers la jeune femme, interdite et rougissante, des yeux plein d’interrogation et de flamme.

— Ce n’est pas moi qui ai la pomme, dit Amine en se levant. Je vous laisse, heureux couple, vous avez besoin de solitude, et je vais chanter votre épithalame dans tout Paris. Adieu, Dalberg, vous ne serez jamais qu’un sot ; adieu, Florence, c’était bien la peine de faire la prude si longtemps !

Quand la complice de Rudolph fut partie, Florence, suppliée par Dalberg, avoua que depuis longtemps elle éprouvait pour lui une tendresse qu’elle avait tâché de combattre, le voyant occupé d’autres soins ; que c’était cet amour qui l’avait fait aller chez Amine le jour de la promenade au bois de Boulogne, se désespérer à la vue du médaillon, et courir éperdue sur le lieu du combat.

— Mais, ajouta-t-elle, je sais que votre cœur est à une autre, et, malgré l’aveu que je viens de vous