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LES PRINCESSES D’AMOUR

sant ses doigts dans les trous de l’étoffe.

Un parfum, distingué et doux, s’envola des plis, dominant un instant l’odeur chaude du saké. Le guerrier déchu, aspira cet arôme avec une douloureuse émotion, abaissa même ses paupières sur la buée qui troubla tout à coup ses yeux.

— Une bouffée du passé, qui me va au cœur, murmura-t-il. Oh ! si proche, et si perdu ! Quand il fut cousu, ce petit vêtement, c’était l’époque héroïque, à jamais abolie ; le tissu est tout neuf encore, et la trame de la destinée, déchirée en mille pièces. L’enfant, qu’il revêtait, n’est qu’une femme jeune ; les blessures sont mal guéries aux membres vigoureux du soldat, et nous voilà, comme des fantômes, qui reviendraient, après des siècles,