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yeux bleus et la peau blanche, et que c’était une assez agréable personne, toutefois, sauf la cruauté :


Ces blonds cheveux dextrement tortillez,
De nœuds d’espoir et de douleurs cruelles,
Ce tein d’aurore en ses joues vermeilles,
Ces beaux coraulx doublement esmaillez.

Ces monts d’ivoyre en rondeur bien taillez,
Ces belles mains, ce col et ces oreilles,
Ces yeux trop plus brillans que deux estoilles,
En un instant m’ont tout ensorcellez.

Par eux amour se logea dans mes veines,
Et m’engendra les douloureuses peines
Que mon cœur souffre en sa belle prison.

Tant plus sa paix je poursuis et désire,
Plus je le sens en flamme se reduire,
Et moy privez de sens et de raison.


Nous voyons parmi les sonnets de Virbluneau qu’Angélique demeurait en Brie, qu’elle quitta pour s’en aller en Normandie.


Ô pauvre Brye ! ô veuve des beaux yeux
Qui de leur jour te rendoient fructueuse :
Absente d’eux, tu es si ennuyeuse
Qu’en te voyant tout me semble odieux.

Comme je suis chagrin et soucieux
(Pour leur départ) tu seras langoureuse ;
Toute contrée où ils sont est heureuse,
Et tout climat sans eux est malheureux.

Qui a pour dame Angélique choisie,
Très-heureux est (s’elle luy est amye),
Car autrement amour n’est que tourment.

Demy dieu est qui lui parle a son aise,
Est dieu du tout qui librement la baise.
Je n’en sauroy faire autre jugement.