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Si vous aymez le froid, je suis la froideur mesme ;
Si vous cherchez le chaud, j’ai un feu si estresme
Qu’il enflamerait bien l’air, la terre et les cieux.

Faictes donc, je vous pri’, que mon désir avienne,
Ou si me refusez, je suppliray les dieux
(Ô délicatte main !) que le gand je devienne.


À ce qu’il paraît, mademoiselle Angélique était un bas bleu, non pas un bas bleu d’azur, mais de l’indigo le plus foncé et digne d’entrer à la Crusca :


Prions Mercure orner notre langage :
Qu’en nos discours n’y ait aucun deffault ;
Car les beaux yeux qui m’ont livré l’assault,
Des beaux escritz ont praticqué l’usage.


C’était une femme devant qui il était dangereux de se permettre un solécisme et avec qui il fallait faire l’amour correctement. Ô trois fois misérable Scalion, sieur d’Ofayel !

Pour le physique, elle ressemble à toutes les Dulcinées de poëtes et de chevaliers errants, c’est un écrin complet : elle a des cheveux d’or, un front de nacre, des yeux de cristal et de saphir, un teint d’œillets, de lis et de roses, des lèvres de corail, des dents en perles orientales, une gorge d’albâtre avec une framboise pour bouton, un corps d’ivoire, des pieds de neige, des jambes de lait, peau de satin et le reste, avec cela une haleine mieux flairant qu’ambre gris et civette, une voix de syrène, une démarche de déesse, et toutes les qualités que les poëtes prodiguent à leurs héroïnes.

Ce qui veut dire qu’Angélique était blonde, avait les