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Recevez-moy votre humble chrestienne :
Que comprinse soye entre vos esleuz,
Ce nonobstant qu’oncques rien ne valuz.
Les biens de vous, ma dame et ma maîtresse,
Sont trop plus grans que ne suis pescheresse ;
Sans lesquelz bienz ame ne peut merir[1] ;
N’entrer ez cieulx : je n’en suis menteresse,
En cette foy je veuil vivre et mourir.

II.

À votre fils dictes que je suis sienne ;
De luy soient mes peschez absoluz,
Qu’il me pardoint comme à l’Égyptienne,
Ou comme il feit au clerc Théophilus,
Lequel par vous fuct quitte et absoluz,
Combien qu’il eut fait au diable promesse.
Préservez-moy que point je ne face ce.
Vierge portant sans rupture encourir
Le sacrement qu’on célèbre à la messe,
En cette foy je veuil vivre et mourir.

III.

Femme je suys, povrette et ancienne,
Qui rien ne sçay, oncques lettre ne luz,
Au moustier voy, dont suys paroissienne ;
Paradis peinct, où sont harpes et luz,
Et ung enfer, ou damnés sont boulluz,
L’ung me faict paour, l’autre joye et liesse,
La joye avoir faict moi haulte deesse
À qui pescheurs doivent touz recourir,
Comblés de foy sans feincte ni paresse ;
En cette foy je veuil vivre et mourir.


Cette dernière stance est délicieuse ; on dirait une de ces vieilles peintures, sur fond d’or, de Giotto ou de Ci-

  1. Mériter.