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Maschecroue, Marion Peautarde, Marion l’idolle, Blanche, Rose, Margot, maîtresses de Villon ; la petite Macée d’Orléans, qui le corrompit ; Catherine de Vaucelles, qui le fit battre ; Ysabeau, Guillemette, Denise, et vingt autres encore, car notre poëte n’avait pas qu’une connaissance en ce genre ; tout cela grouille, tout cela vit, s’enivre, fait l’amour, détrousse les passants avec une puissance de reproduction merveilleuse. Un seul mot, une seule touche suffisent à Villon pour indiquer un personnage ; il saisit le caractère distinctif avec une singulière sagacité ; un nom et une épithète, et voilà un homme reconstruit de toutes pièces ; les attitudes de ses figures sont indiquées d’une manière fine et précise qui rappelle Albert Durer. Que dites-vous de ce groupe :


Regarde m’en deux trois assises
Sur le bas du ply de leurs robes,
En ces moustiers en ces églises.


Et de celui-ci :


Chaperons auront enfoncés
Et les poulces sous la ceinture,
Disant : — Heim ? quoi ?


Au milieu de toutes ces filles perdues, une seule figure de femme apparaît, pure et sans tache, c’est celle de sa mère. Le legs qu’il lui fait est plein de grâce et de poésie ; c’est une ballade à la Vierge :


I.

Dame des cieulx, régente terrienne[1],
Emperiere[2] des infernaux paluz,

  1. Reine de la terre.
  2. Impératrice.